Disparition d'une grande figure franco-algérienne : Mgr Henri Teissier (1929-2020)

Né à Lyon le 21 juillet 1929 au sein d'une famille implantée aussi en Algérie, fils d'officier, Henri Teissier fit des études religieuses au séminaire des Carmes à Paris puis à l'université du Caire, devenant parfait arabophone et spécialiste de l'islam. Après son ordination sacerdotale, il choisit de servir l'Eglise d'Algérie et est nommé vicaire dans le quartier populaire de Belcourt à Alger - le cadre de jeunesse d'Albert Camus, en 1958, en pleine guerre d'Algérie. Convaincu du caractère inéluctable de l'indépendance sans jamais cautionner le terrorisme FLN, il choisit de rester sur place après juillet 1962, à l'instar de Mgr Duval, tous deux sollicitant la nationalité algérienne quatre ans plus tard.

L'homme de foi qu'était Henri Teissier n'eut de cesse de témoigner de la solidarité humaine avec les Algériens et de l'expérience chrétienne en terre musulmane, sur la terre de saint Augustin. Défenseur des chrétiens d'Orient, il fut nommé à la direction du mouvement catholique Caritas pour le Maghreb et le Moyen-Orient. Ce promoteur du dialogue inter-religieux était un défenseur enthousiaste de la mémoire de l'émir Abd-el-Kader, qu'il ne manquait jamais de citer lors de ses interventions dans les diverses tribunes où il était invité à s'exprimer.

Evêque d'Oran en 1972, archevêque d'Alger de 1988 à 2008, Henri Teissier vécut la "décennie noire" du terrorisme islamiste, qui fit 200 000 victimes, dont Mgr Claverie, son successeur à Oran, ainsi que les moines de Thibirine. Son sentiment personnel était que la survalorisation du terrorisme FLN auprès des jeunes générations avait conduit ceux-ci à vouloir imiter leurs pères, en se cherchant une nouvelle cause de combat, cette fois l'islam radical... C'est à Mgr Teissier qu'incomba la lugubre tâche de reconnaître les restes mortels des moines assassinés. En 2010, il avait accepté de participer au Centre d'art et de culture de Meudon à une soirée d'avant-première du film relatant le drame de Thibirine, Des hommes et des dieux, à l'occasion de laquelle sa pudeur et sa gravité avaient ému les participants. C'est Mgr Teissier qui est à l'origine de la béatification des moines et religieuses assassinés en Algérie par les islamistes, béatification célébrée le 8 décembre 2018 à Oran dans la basilique de Santa-Cruz.

Bénéficiant d'un profond respect des Algériens - des gouvernants comme de la population, qui le surnommaient "Tissir" -, Henri Teissier était resté très attaché à son pays natal, et tâchait de passer chaque été plusieurs semaines auprès de sa famille, en revenant dans la propriété familiale située non loin de Lyon, dans l'Ain, au château de Poncin, retrouvant da ns la région la fille du dernier maire français d'Alger, Corinne Chevallier-Brac de La Perrière passant ses étés dans la propriété de sa belle-famille en Beaujolais.

Un accident cardio-vasculaire a eu raison de cette vie de foi, d'énergie et d'activisme, Henri Teissier étant décédé le ^1er décembre 2020 à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, jour où le calendrier liturgique célèbre un autre grand "Africain", Charles de Foucault. A cette occasion, sa mémoire est unanimement saluée, tant du côté français que du côté algérien, chez les catholiques comme chez les musulmans. Après ses funérailles, qui seront célébrées en la primatiale Saint-Jean de Lyon, son corps devrait être rapatrié en Algérie pour y être inhumé.

Claude Vigoureux - décembre 2020
(Membre du Conseil scientifique de la FM-GACMT)