L’affaire Maurice Audin
Octobre 2018
En reconnaissant la responsabilité de l’Etat dans la disparition de Maurice Audin en pleine bataille d’Alger, le Président de la République n’a pas mis un terme à l’affaire Audin. Il l’a plutôt transférée dans une autre dimension propice à une réflexion renouvelée sur la Guerre d’Algérie. En particulier sur les disparus civils et militaires confondus.
La longue période qui sépare cette disparition de cette reconnaissance officielle n’a pas atténué, bien au contraire, l’exigence d’une vérité indispensable à l’apaisement des mémoires comme à la compréhension d’un passé difficile. Maurice Audin est un cas spécifique, victime de ses convictions militantes au service de l’indépendance algérienne, de la démission des autorités civiles, de la violence des interrogatoires. Mais chaque disparu est entouré d’une aura tragique dans une tragédie plus vaste, celle du conflit algérien, guerre de libération et guerre civile mêlées.
En juin 1957 la France avait choisi de se battre contre le terrorisme urbain du FLN. Cinquante-neuf ans après est- il -encore légitime, utile, pour ce qui nous concerne, de se demander si tel ou tel camp avait raison ou tort, quelle idée de la France était en cause, qui portait la justice et la vérité ? Sur le plan moral sûrement et ce n’est pas rien. Sur le plan politique il en va autrement. L’Algérie est devenue indépendante. Le FLN l’a dirigée. L’Algérie s’est dotée d’une histoire dont, entre autres aspects, le Parti communiste a été exclu, à l’exception de quelques compagnons de combat dont Maurice Audin. Les termes de cette histoire instruisent un procès permanent contre la France.
Dans ce contexte on peut s’interroger sur la notion de responsabilité de l’Etat français. Responsabilité morale, responsabilité juridique créatrice de droits particuliers, responsabilité pour l’ensemble des disparus de la guerre d’Algérie, y compris les disparus de la période post 19 mars allant jusqu’à l’indépendance et au-delà, responsabilité limitée à un cas et un seul ? Responsabilité active ou responsabilité politique, humanitaire, découlant aussi d’une inaction délibérée, d’une non- assistance à personnes en danger ? La Guerre d’Algérie offre tous les cas de figure.
En d’autres termes, il reste à préciser si le Président de la République a choisi d’honorer un combat personnel, celui de Maurice Audin et de son camp, en sanctionnant un manquement particulier de l’Etat, ou décidé d’entreprendre à partir d’un cas spécifique la reconstruction mémorielle de la totalité du cycle algérien et de ses acteurs y compris les Français d’Algérie et les Harkis. Fort heureusement une nouvelle ère s’ouvre pour ces derniers. Mais le chemin reste très étroit puisque chacun a encore tendance à garder ses propres victimes, et à ne les mélanger en aucun cas avec les adversaires d’un temps révolu. Toutefois la vocation de la France n’est pas de pratiquer une justice différenciée surtout à titre posthume. Il n’y a pas de bons ou de mauvais disparus. Le geste du Président de la République devrait avoir au moins une vertu, celle de conférer à tous ces disparus le statut de victime symbolique.
La Fondation pour la Mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie
Le 9 octobre 2018
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