Boualem Sansal
février 2025
La Fondation pour la mémoire de la Guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie s’interdit d’intervenir, dans des affaires ou débats qui sortent du cadre que lui a attribué la loi mémorielle du 24 février 2005. Reconnue d’utilité publique, elle veille par ailleurs à la pluralité des sources et à l’expression libre de récits opposés. Tâche difficile, tant restent fortes les blessures du passé, divergentes les conceptions des politiques mémorielles, conflictuels les rapports entre Etats du Maghreb, inconfortable la situation de la France à la fois pivot historique et, du moins en Algérie, ennemi héréditaire occupé à fomenter maints complots.
Tous ces pièges se sont refermés en même temps sur Boualem Sansal, faisant de lui un prisonnier et un symbole. Cette double condition le propulse dans une autre dimension. Elle en fait un sujet de mémoire appelé à s’inscrire dans la profondeur de la construction historique entre la France et l’Algérie. Il y avait un « avant Boualem Sansal ». Quelle que soit l’issue, il y a déjà un « après Boualem Sansal ». Ni la France, ni l’Algérie, ne peuvent échapper à cette pesanteur. Du fond de son enfermement, il pèse sur le bilan, rendant dérisoires assignations et accusations partisanes.
Curieusement, Boualem Sansal fait l’actualité en abordant un point d’histoire : les variations nombreuses autour d’un thème fondateur, la délimitation des espaces marocains et algériens jusqu’à leurs prolongements sahariens. C’est une querelle d’héritiers, de celles qui ne s’éteignent jamais. Il vaut mieux laisser les diplomates en parler avec componction, citer des accords léonins et des traités oubliés, comme celui de 1972 entre Alger et Rabat. L’important est de ne pas ranimer les feux allumés avant l’Empire Ottoman, et ravivés par les géomètres militaires français qui, selon les époques, et au gré des appétits, traçaient des lignes bien droites appelées « Frontières » ou des formes floues dénommées « Confins ». En évoquant des déshérences ou des bornages contestés, Boualem Sansal est entré malgré lui dans un Chaos antique. Il ne faut pas l’y laisser sous peine de le voir transformé en statue de pierre par un Dieu jaloux, devenant un otage après avoir été un prisonnier.
Pour la Fondation, rien n’est plus important que la liberté d’expression et le débat des mémoires. La richesse de Boualem Sansal est d’en porter au moins deux, avec une ouverture et une intensité égales, mémoire algérienne, mémoire française. Il n’est ni historien ni conspirateur mais esprit libre. Pour aggraver son cas, il le fait avec maîtrise et style. En brouillant les cartes et les périodes. Mais sa vision est contemporaine, reliant le passé et les maux d’aujourd’hui. Cette dualité le rend inclassable.
L’affaire Sansal pose une question de fond. Est-il permis d’évoquer librement l’histoire de la mémoire ? La réponse apportée à cette question est un marqueur de la vie démocratique. Compte tenu du nombre important de binationaux franco-algériens et des différences majeures entre les systèmes politiques français et algérien, il est urgent de découpler les mémoires de la conduite des relations entre Etats.
Février 2025
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