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HARKIS : Les Harkis : état des sources pour une histoire apaisée
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HARKIS : Les Harkis : état des sources pour une histoire apaisée

En introduction, il me faut prendre immédiatement une petite précaution pour préciser que cette présentation n’a aucune prétention à l'exhaustivité. La question des sources, pour un historien, dépend de l'objet étudié or, la « question harkie » recouvre de nombreuses problématiques, différents enjeux. A ce titre, il existe autant de sources que de questions posées. Par ailleurs, un état des sources est en cours de réalisation par la Fondation et figurera en annexe des actes du colloque.

En premier lieu – historiquement –, les harkis sont des unités militaires, créées à l’occasion de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Leur histoire s’inscrit donc tout d’abord dans une histoire militaire. Cependant, par l’origine et l’ampleur de leur recrutement – on peut estimer entre 200 et 400 000 le nombre de ruraux engagés dans ces formation – l’histoire des harkis doit également s’inscrire dans d'autres problématiques – qui ont trait à l'histoire politique, celle de l’Etat, mais aussi à celle des sociétés en guerre, particulièrement les sociétés rurales. Bien évidemment, l’histoire des harkis s’inscrit enfin dans l’histoire coloniale, dans toutes les acceptions de celle-ci. L'état des sources que je vous propose sera essentiellement fonction de ces quelques axes.

L'étude des harkis entre 1954 et 1962 s'inscrit dans celle de la guerre d'indépendance algérienne. Pour l’étude de cette guerre, des opérations, des choix stratégiques, le Service historique de la défense (SHD), à Vincennes, apparait comme le fond d’archives principal. La sous-série 1H, en particulier, qui comprend les archives de l’Algérie, des états-majors de la « Xe Région militaire » aux journaux de marche. Ce fond est divisé en sept sections selon la hiérarchie des organismes verseurs. Toujours au SHD, la série 7U contient les journaux de marche des unités – JMO qui, malheureusement, ne nous facilitent guère la tâche puisqu'il n'y a pas de journaux de marche des harkas, mais de leurs « unités supports ». Toujours au SHD, les séries R et T sont consacrées respectivement aux archives du cabinet du ministère de la défense et à celles de l'Etat-major de l'Armée de Terre et peuvent éclairer le chercheur sur la prise de décision, le commandement, et d’éventuels divergences entre Paris et Alger.

Si on se concentre sur la question de la gestion par l'Etat de ses unités auxiliaires (harkis, mokhaznis, Groupes mobiles de sécurité et Groupes d’autodéfense), il faudra compléter ces archives militaires par celles des archives nationales d'outre-mer (ANOM), à Aix-en-Provence. Rappelons-le : les unités auxiliaires étaient financées par le gouvernement civil, donc le civil a toujours un mot à dire sur la gestion des auxiliaires. C’est à plus forte raison le cas en ce qui concerne les mokhaznis, employés dans les Sections administratives spécialisées (les archives des SAS sont conservées à Aix). On trouvera également aux ANOM les fonds des cabinets civil et militaire du gouverneur général. Les archives du ministère des Affaires algériennes (Paris) sont quant à elles éclatées entre Aix-en-Provence et le ministère des affaires étrangères à Paris. 

Pour une étude plus fine de l'année 1962 (des négociations d’Evian aux massacres postérieurs à l’indépendance) ces archives de la colonisation peuvent encore être complétées par celles du secrétariat général de l’Elysée et par les archives diplomatiques qui sont conservées à Nantes (post-62).

Ce qu'ont en commun ces différents services d'archives, ce sont les délais de communication au public. Depuis la loi de juillet 2008, le délai d’accès aux archives a été raccourci (il est dorénavant de 50 pour la plupart des archives concernant la Défense). Pour tous les papiers qui ne sont pas ouverts à la communication du public, le chercheur doit demander une dérogation. Lorsque j'ai mené mes recherches à Vincennes, principalement entre 2002 et 2005, ces dérogations m'ont été refusées dans un premier temps. Elles m'ont été ensuite partiellement accordées. Il y a toujours une part d’arbitraire dans la délivrance de ces autorisations.

Un mot maintenant sur les archives algériennes, car l'histoire des harkis est une histoire franco-algérienne. Sans entrer dans les détails, disons que les conditions ne m’apparaissent pas actuellement réunies pour mener un travail de fond dans la sérénité sur des questions aussi sensibles que celle des harkis, à l’échelle de l’Etat – et du fonctionnement du parti-Etat au moment du passage à l’indépendance. Il existe pourtant aujourd'hui de nombreux jeunes chercheurs qui travaillent en Algérie sur la période coloniale, sur la guerre ou sur ses conséquences. Mais en Algérie, les harkis demeurent un sujet historique problématique. Il est essentiellement un objet essentiellement politique et symbolique.

Il y a néanmoins possibilité de travailler en Algérie. Au-delà des archives de l’Etat et du FLN, le recours au témoignage, aux sources orales, permet d’aborder de nombreuses questions relatives à la guerre et ses séquelles. Elle permet également une approche locale extrêmement féconde de l’histoire de la colonisation et de la guerre. Je pense par exemple au travail passionnant de Giulia Fabbiano, sur les Béni Boudouane. Elle a travaillé avec des membres du groupe installés en France, mais aussi en Algérie.

En dehors de l'Algérie, il faut encore mentionner les archives de la Croix Rouge internationale (CICR), à Genève qui sont intéressantes pour la situation à l’immédiate indépendance (emprisonnements…), sur lesquels travaille Fatima Besnaci. Pour démêler les fils des premiers mois de l'indépendance algérienne, les sources demeurent beaucoup moins précises que pour la période précédente.

Enfin pour terminer ce panorama des archives manuscrites, il faut également citer quelques fonds privés particulièrement intéressants : les archives du premier ambassadeur de France en Algérie, Jean Marcel Jeanneney, qui sont conservées à Sciences Po au CHEVS (Centre d'histoire et d'étude du XXe siècle). Elles sont soumises également à l'autorisation de la famille Jeanneney qui est assez libérale sur la consultation. Enfin, les archives du « Comité national pour les musulmans français » (CNMF), une des premières associations à avoir œuvré pour les harkis en France, qui sont conservées par l'association Générique à Paris. C'est dans ce fond que l'on trouvera le rapport du sous-préfet Robert, sous-préfet d'Akbou, rédigé début 1963, qui fournit un tableau saisissant de la situation en petite Kabylie durant les premiers mois de l’indépendance algérienne. 

J'en viens maintenant à la question d'un autre type d'archives, propre à l'histoire du temps présent, ce sont les sources orales (entretiens). Ces sources orales se fondent sur la mémoire des témoins. Sources rétrospectives, il ne faut jamais perdre de vue qu’elles sont toujours en partie reconstruites. Je classerai d'ailleurs dans la même catégorie les souvenirs publiés par des acteurs de l'époque – comme le livre du général Meyer, par exemple. On constate souvent des différences de perspectives entre historiens et témoins. Mais la mémoire vivante demeure un matériaux extrêmement fécond pour les historiens. Il y a eu en France différentes initiatives, notamment associatives, autour de recueils de ces mémoires. Peut-être manque-t-il encore d’un projet un peu plus ambitieux et scientifique – comme les travaux qu’avaient réalisés Jean-Charles Jauffret ou Claire Mauss-Copeaux au sujet des appelés métropolitains.

Toutes ces sources ont en commun le fait d’être toujours en extension. Ce qui veut dire que le regard que nous porterons sur ces évènements évolue et évoluera encore dans les années à venir. En conclusion, de cet exposé je voudrais rappeler certaines précautions: l'histoire n'est pas écrite dans les sources. Le travail des historiens c'est bien évidemment d'identifier les sources mais c'est également être capable de les critiquer, de les confronter à d’autres, et enfin de les inclure dans un récit nourrit du travail d'autres chercheurs. Ce faisant, il ne s’agit pas de trouver un « juste milieu » – il n'y en a pas toujours –, mais d’être capable de dépasser certains cul-de-sac.

François-Xavier HAUTREUX
Docteur en histoire

FM-GACMT 2013 

Texte de l'intervention faite au Colloque  : Les Harkis, des mémoires à l'histoire, organisé par la FMGACMT les 29 et 30 septembre 2013.

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