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Alger, la rue Lézard (souvenirs d'Alexandre Arcady)
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Alger, la rue Lézard (souvenirs d'Alexandre Arcady)

La rue Lézard était située dans la basse Casbah d’Alger, ou plutôt au pied de la basse casbah.

Lorsqu’on venait du secteur européen, elle apparaissait comme le premier contrefort de la ville arabe. Le quartier, très commerçant, grouillait d’activité, et depuis des siècles, la population d’origine juive s’y était installée. La rue s’inscrivait dans une sorte de quadrilatère dont la rue de la Lyre constituait l’un des côtés, la Grande cathédrale d’Alger (construite en 1850 sur l’emplacement de la mosquée des Ketchaoua) et la place du Gouvernement formant les deux autres. Enfin, le célèbre marché de Chartres délimitait le flanc sud de ce périmètre.

La Casbah, la vraie, étendaient au-dessus de nous, ses enchevêtrements de ruelles plus sombres les unes que les autres. Les façades aveugles peintes à la chaux sentaient le café grillé. Sur les devantures de boucheries « halal » on pouvait voir, dans un nuage de mouches, des têtes de moutons sanguinolentes à la langue pendante. De l’intérieur des minuscules cafés maures qui débordent jusque dans la rue, des hommes silencieux vous regardaient passer sans un sourire.

Rue Randon, rue Boutin, rue de la Lyre au moment de la bataille d4alger, ces noms prendraient une tragique résonnance dans la presse.

La Casbah, la vraie n’était pas notre univers. Elle ne nous était pas hostile, étrangère seulement et mystérieuse.

[…]

Sur la place du Gouvernement – que les enfants appelaient « place du cheval » - se dressait la célèbre statue équestre du fils de louis-Philippe, le duc d’Orléans, fondue dans le métal des canons pris aux Turcs au moment de la conquête de la ville. […]

La place du Gouvernement était le vrai centre d’Alger.

On trouvait là les arrêts des trams des TA (Transports Algériens) qui traversaient la ville du nord au sud. Il y avait plusieurs services, les TA donc, mais aussi les CFRA (Chemins de fer et Routes Algériens) et les TMS (Transports et messageries du Sahel), dont les Algérois qui ne manquaient pas d’humour disaient les « Très Mal Servis »…

Le duc d’Orléans faisait face à la mosquée blanche Djama El-Djedid, construite par les Turcs au XVIIe siècle. Une foule de mendiants se pressait autour de l’édifice religieux. La charité (zakat) était l’un des piliers de l’islam, tout bon musulman d’Algérie se devait de la pratiquer aussi souvent que possible.

Au pied de la statue, des régiments de petits cireurs guettaient leurs clients potentiels parmi les Européens qui traversaient la place et on les voyait s’élancer alors en faisant claquer leurs brosses sur la boîte contenant le matériel. Ils sollicitaient aussi les consommateurs à la terrasse du Tantonville ou traquaient les badauds qui se reposaient à l’ombre des caroubiers, sur les bancs du square Bresson.

(Alexandre Arcady, Le petit blond de la casbah, Pon, 2003. Chapitre 2)

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